L’imagination et l’improvisation étaient les points forts d’Ajartiel en combat. Toutefois, Léanne était quant à elle une excellente tacticienne, en plus d’être armée d’une résilience impressionnante. Ainsi, elle parvint à s’adapter à bon nombre des coups fourrés que l’Ange tenta contre elle, voire à les retourner contre lui. L’Hongrois comptait souvent sur la chance, mais la Fée compétitive qu’il avait en face de lui le força bien vite à oublier ses manoeuvres risqués et l’entrainement pris éventuellement une tournure sérieuse qu’Ajartiel n’avait pas anticipé en se présentant dans la Salle de Classe des Anges. Enfin, si, en y réfléchissant deux minutes, il était évident que la Chef des Fées étaient là pour vraiment s’entraîner, pas pour déconner, mais breeeef...

Le combat ne se termina pas par la victoire écrasante de l’un des deux parties. C’est plutôt d’un commun accord silencieux qu’ils conclurent qu’ils avaient assez cumulé d’ecchymoses chacun pour la journée. Ajartiel avait mal un peu partout. Il avait l’air moins éreinté que son adversaire, mais il le devait au fait d’être mort et donc, entre autres, de ne jamais souffrir d’essoufflement. En vrai, s’ils avaient compté les points, c’était probablement Léanne qui aurait été gagnante. Il ne le mentionna évidemment pas, parce que peut-être qu’elle ne l’avait pas remarqué.

« Discothèque ? », lança-t-il plutôt, sur un coup de tête, pas vraiment sérieux. Il trouvait juste drôle d’imaginer Léanne dans un bar, surtout avec sa mine échevelée et en sueur.

Elle refusa... au début. Sauf qu’Ajartiel insista. Pas parce qu’il y tenait, mais juste parce qu’il savait qu’elle flancherait, qu’elle n’accepterait pas de reconnaître qu’il l’avait tellement épuisée qu’elle ne pouvait même pas s’offrir un moment de détente. Il savait qu’il pouvait gagner ce round là. Et puis, Léanne dans un bar ! Allez, quoi.

Et elle flancha.

N’ayant pas spécialement besoin de prendre une douche (merci au fait d’être un Ange), Ajartiel alla quand même se changer, parce qu’un uniforme de mission (ce qu’il mettait lorsqu’il s’entraînait), ça le faisait moyen dans la discothèque, quand même. Il enfila le premier t-shirt et le premier jeans qu’il trouva. Ça lui prit tout au plus cinq minutes, mais Léanne en avait réclamé trente. Évidemment, il fallait qu’elle se lave, puis qu’elle s’habille, se coiffe... C’était une fille quoi. Forcément, elle avait besoin de trois éternités avant d’être prête à aller quelque part. Le Chef des Anges passa donc ce temps à errer à l’étage des Anges, papotant avec les Catiens qui s’y trouvaient. Il aurait probablement oublié l’heure, si, par coïncidence, on ne lui avait pas demandé au bout d’à peu près vingt minutes comment les Fées faisaient pour se battre sans abîmer leurs ailes. Ce qui lui fit penser à Léanne.

« Ah. J’dois y aller. J’ai rendez-vous avec Léanne à la discothèque ! », s’exclama le Magyar lorsque cette question le ramena à l’ordre.

« Rendez-vous ? », répéta suspicieusement un des Anges qui s’était joint à la discussion (et c’était probablement la phrase en entier qu’il le surprenait, pas ces deux seuls mots), mais Ajartiel n’y prêta pas attention. Il leur offrit un grand sourire en leur souhaitant une bonne soirée et s’éclipsa vers les étages supérieurs.

S’il ne portait pas une attention particulière aux contusions que son énergie angélique s’attelait à faire disparaître depuis l’entraînement, monter trois étages d’escaliers lui rappela l’existence de tout un tas de muscles qui protestèrent d’être encore mis au travail. Uh. Ouais, il allait bien dormir. Éventuellement.

Léanne attendait devant l’entrée de la discothèque. Ajartiel la repéra assez vite (même s’il était inhabituel de la voir habillée pour sortir) et en premier, puisqu’il arriva derrière elle. Il n’allait bien sûr pas passer à côté de la chance de la prendre par surprise. Une fois près d’elle, il se pencha par-dessus l’épaule de la Fée :

« Bouh. », s’annonça-t-il, sans élevé la voix (parce qu’il était quand même à juste dix centimètres de son oreille). Il se redressa aussitôt et passa devant elle en lui offrant un grand sourire.

« Léanne, on est là pour relaxer, pas pour jouer les portiers. », la sermonna-t-il d’un ton amusé. Il se tourna ensuite vers l’entrée de la discothèque, faisant signe à la Fée de le suivre en lança un : « Allez, viens ! »

En passant les portes, il tendit une main pour attraper les trois coupons que le vrai portier lui donna. Il les refila à Léanne et tendit la main à nouveau, cette fois pour récupérer les siens. S’avançant dans la salle, Ajartiel avait l’attitude du mec qui n’en est pas à sa première visite. Il salua plusieurs personnes au passage, parce que le Chef des Anges connaissait tout le monde.

Ils allaient bien s’amuser !

Après avoir serré la main de Dominico, un Sorcier qu’il croisait souvent dans le parc du Cloître extérieur, Ajartiel répondit d’un sourire à la salutation d’un Elfe, un peu plus loin, dont il ne se souvenait pas le nom (un truc qui sonnait fantaisiste, avec un K dedans, genre Gardakan ou Mordak). Avec une minute et à peine trois mètres de parcouru dans la pièce, ces deux là amenaient à quatre le nombre de personnes que le Chef des Anges avaient saluées. Inutile de dire qu’il ne remarqua donc pas que Léanne ne le suivait pas.

« Le portier a voulu vérifier mon âge! », fit la voix de la Fée et Ajartiel se retourna vers elle sans chercher à masquer son sourire amusé. Elle n’avait pas l’air fâchée, ce qui était à la fois un peu surprenant et franchement encourageant. Apparemment, la guerrière avait baissé sa garde et vraiment accepté l’idée de se détendre !

« Sérieux ? », demanda-t-il, rieur, en haussant les sourcils. Il aurait aimé assister au truc. Pourquoi avait-il raté ça ? Il faudrait qu’il trouve un témoin pour lui raconter la scène...

Il n’eut pas l’occasion de se moquer (pour l’instant), puisque Léanne enchaîna avec une question, voulant savoir où ils se dirigeaient.

« Une table ! », déclara Ajartiel sans hésiter.

Le bar, c’était pour les gens seuls qui avaient compris que le barman était littéralement obligé de leur tenir compagnie et ne pouvait pas s’en aller. Et puis il y avait beaucoup trop de vas-et-viens, avec tous les autres clients qui venaient commander. C’était littéralement l’épicentre des activités. Si Ajartiel et Léanne voulaient discuter sans être dérangés toutes les trente secondes, le bar n’était définitivement pas l’endroit où se poser.

Appuyant ses paroles, l’Hongrois désigna à la Fée la section des tables, la laissant implicitement en charge de choisir celle qu’elle voulait. Il était relativement tôt et un grand nombre de tables (autant celles de style bistro que celles avec banquettes) étaient encore inoccupées. Ajartiel n’avait pas de préférence et aimait mieux s’occuper de ce qu’ils allaient boire. Hors de question d’envoyer Léanne et qu’elle se ramène avec, genre, un thé glacé ou  un verre d’eau ! Et puis, en plus de ça, ça semblait un mauvais plan d’envoyer la fille de quatre pieds de haut faire des aller-retour entre des gens d’une fois et demi sa taille... Là, tout de suite, ça allait encore, mais ils étaient vendredi soir. D’ici une heure ou deux, la salle serait pleine à craquer.

« Je ramène à boire. Tu veux quoi ? », s’enquit-il, en faisant un pas en direction du bar.

« Malheureusement, ils n’ont rien qui n’a pas d’alcool dedans. Un problème de fournisseur. Même la grenadine seule est composée à cinquante pourcent de vodka, ce soir. », ajouta-t-il, d’un ton sérieux trahit par son sourire blagueur. Son mensonge n’avait aucune crédibilité et il s’en fichait. Il aurait quand même le dernier mot.

Ajartiel ne commenta pas à voix haute le choix de boisson de Léanne, bien qu’il fut, intérieurement, fort satisfait. Des vêtements décontractés, une attitude décontractée et, maintenant, une consommation pour se décontracter. Léanne le surprenait ce soir. Dans le bon sens.

Il se saisit des deux billets qu’elle lui tendait et se fraya un chemin jusqu’au bar. Évidemment, en chemin, il fut arrêté par des gens qu’il connaissait (deux fois), mais il réussit quand même à atteindre son objectif en moins de cinq minutes.

Dieter travaillait ce soir-là et Ajartiel était sincèrement curieux d’avoir de ses nouvelles. Toutefois, le jeune Braun était occupé et l’Hongrois avait de toute façon une autre mission à remplir. Une mission éthylique. Héhé. Bref, le Chef des Anges se tourna donc plutôt vers un collègue de Dieter, un Sorcier avec un look... spécial. Il avait l’air d’un double de Doug Whitmore dans ‘‘50 First Dates’’. Respect pour la confiance en soi. Peu de personnes auraient osé.

L’Ange passa commande d’une bière blonde pour Léanne, puis hésita un instant pour lui-même, avant de juste demander à Doug-2 de choisir à sa place. Si sa recommandation était à l’image de sa garde-robe, c’était une expérience à vivre et il aurait été bête de passer à côté. Après quelques tours d’adresse (Doug-2 avait vraisemblablement un talent pour la mixologie), il se retrouva avec, devant lui, un grand verre droit empli d’une boisson orangée et orné d’une tranche de citron. Glissant sa main dans la poche arrière de son jeans pour y pêcher deux des cinq coupons en sa possession, Ajartiel arrêta son mouvement lorsque Doug-2 hocha la tête et leva une main.

« Cadeau de la maison pour un Chef qui le vaut bien ! », déclara le barman, tout sourire.

Ajartiel haussa un sourcil. C’était totalement contraire au règlement, mais c’était aussi totalement à son avantage. Il aurait été con de refuser. D’autant que, les règles, hein... voilà quoi. Il rendit donc son sourire à Doug-2 et se saisit des deux consommations.

« Merci bien ! », lança-t-il, supportant son remerciement en levant un des deux verres, avant de tourner les talons pour revenir vers Léanne.

Sur le chemin du retour, il fut à nouveau accosté, mais juste une fois. Peut-être parce qu’il avait l’air occupé, avec un verre dans chaque main. Lorsqu’il atteignit la table choisie par la Chef des Fées, ce fut après une absence totale d’environ dix minutes.

Il déposa devant Léanne la bière qu’elle avait demandée avec un « Madame est servie ! » et se hissa sur le siège de l’autre côté de la petite table, jetant un regard curieux à sa propre boisson. La première gorgée révéla un goût citronné et, oh, Doug-2 n’avait pas lésiné sur... du gin ? Ajartiel n’était pas tellement connaisseur des différents alcools. Ils se ressemblaient tous, à son avis. Il faut dire que, de son vivant, les gens buvaient pour boire ; ça n’avait rien d’une activité sophistiquée. Et après sa mort, il n’avait pas tellement été versé dans ce genre de passe-temps. C’était peut-être le fait d’être un Ange... Il n’avait jamais soif et l’effet de l’alcool sur son corps était différent.

« Alooors, dis-moi, t’es quelle genre de buveuse ? », demanda joyeusement le Magyar. « Celle qui se met à trop parler ? À rire pour rien ? Oh, est-ce que je vais devoir te retenir d’aller tabasser des gens ? »

Lorsque Léanne ne comprit pas immédiatement sa question (alors que la musique n’était pas si forte), puis lui demanda d’attendre parce qu’elle devait apparemment y réfléchir sérieusement, Ajartiel arqua un sourcil. Il espéra qu’elle n’était pas une buveuse du type ‘‘mes neurones sont tout à coup incapables de connecter et je fixe le vide avec de la bave au coin des lèvres’‘ parce que si, déjà, elle avait du mal juste avec une bière dans les mains (dont elle n’avait même pas encore pris une première gorgée)... Ou peut-être qu’elle se moquait de lui. Le regard de l’Ange se fit suspicieux. Ouais, ça devait être ça.

« Ça dépend de comment je suis saoule. Au début je peux être compétitive et me battre pour rien et puis je me mets à flirter et finalement je ne fais plus de sens et je dis n’importe quoi. Tu penses que l’on va se rendre jusqu’à là? », énonça-elle enfin, après avoir goûté sa boisson (et peut-être qu’en fait elle avait juste eu besoin de courage liquide pour répondre ?).

« Mmm... », fit évasivement le Chef des Anges en haussant les épaules et en considérant la réponse de son interlocutrice.

Il n’était pas sûr de comprendre la différence entre la Léanne normale et la Léanne du premier niveau d’ébriété qu’elle lui décrivit. Par contre, il était définitivement intrigué par la Léanne des niveaux deux et trois. La Chef des Fées qui flirt ? Il fallait qu’il voit ça une fois dans sa vie. Était-elle une flirteuse autoritaire ? maniérée ? dévergondée ? Il n’avait (évidemment) pas eu de plan au départ. L’idée avait juste été d’amener Léanne dans un bar et, ça, c’était fait. Il n’en avait aucune idée de jusqu’où ils allaient boire. Mais maintenant que Léanne venait d’ouvrir la voie vers cette possibilité de spectacle, Ajartiel se sentit tout d’un coup investi d’un nouveau but dans la vie.

« Et toi? Tu ressembles à quoi saoul? », demanda ensuite la Fée, en souriant.

L’Hongrois grimaça en déposant son verre, dont il venait de prendre une gorgée, mais masqua rapidement cette marque d’inconfort derrière un léger sourire.

« Ça fait longtemps que c’est pas arrivé. », avoua-t-il, son regard errant en direction de la piste de danse. Pas depuis qu’il n’était plus humain, en fait. Du coup, c’était pas mal loin dans sa mémoire. Une vingtaine d’années ? Il lui était arrivé quelques fois de boire au cours de ses 18 années de vie angélique, mais jamais au point d’être plus désinhibé qu’il ne l’était naturellement. Forcément, quand on a pas beaucoup d’inhibition à la base et qu’on digère l’alcool plus rapidement qu’un humain... Il ne voyait pas trop l’intérêt de faire l’effort de s’enivrer.

Léanne avait-elle une meilleure mémoire que lui ou cachait-elle juste bien son jeu et s’adonnait-elle, en réalité, bien plus à ce genre d’activité qu’elle ne le laissait paraître ? Ou bien elle devait ce précieux savoir à des amis. Peut-être que Séraphin l’avait déjà vu et s’amusait à ramener le sujet de temps en temps. C’est ce qu’Ajartiel aurait fait, lui, s’il avait pu assister au spectacle que Léanne suggérait être, vu que ce n’était pas du tout ce qu’elle projetait dans la vie courante.

Il reporta son attention sur la Fée en arborant à nouveau un grand sourire :

« Y’a qu’un seul moyen de savoir. Si tu y tiens vraiment ! », la mit-il au défi.

Parce que, ouais, il voulait bien boire beaucoup si ça faisait en sorte que la Fée fasse de même. Nul doute qu’elle allait être saoul avant lui, de toute façon.

« À mon avis, je deviens seulement encore plus meilleur. », hypothétisa-t-il ensuite en sirotant son cocktail dont il ne connaissait ni le nom ni la composition.

Ajartiel aurait dû avoir peur du regard limite carnassier que lui fit Léanne, mais il était masochistement beaucoup trop satisfait pour ça. Elle avait totalement mordu à l’idée du défi. Certes, il venait de se commettre à un niveau d’alcoolémie indéterminé (et sans l’ombre d’un doute élevé), mais elle aussi. C’était le principal.

Passant déjà à l’acte, dans une glorieuse déclaration non-verbale d’engagement, la Fée leva son verre presque plein et ne le redéposa que lorsqu’il fut vidé. À chaque gorgée qu’elle prit, le sourire de l’Ange s’étira davantage. Et lorsqu’elle le fixa soudainement, après avoir claqué son verre vide sur la table, il lui rendit un regard tout aussi dangereux que celui qu’elle avait.

« 1000 push-up que je bois plus vite que toi! », clama l’Afro-américaine.

« Tsss... C’est pas du jeu. », protesta Ajartiel. « Entre vider une bière et vider un cocktail... »

Il roula des yeux, mais, souriant toujours, leva son verre et bu. Il réussit à avaler à peu près la moitié de sa boisson avant de devoir arrêter, écoeuré. Nop. Doucement, ça allait, mais c’était définitivement trop fort pour passer en un coup, ce truc. Il oeilla son verre avec une grimace, toussant un coup, l’oesophage en feu. Doug-2 était certainement au courant de la tolérance accrue des Anges à l’alcool et avait voulu lui ‘‘en donner pour son argent’’.

« Attend un peu ! », fit le Chef des Anges, déterminé, en se levant pour se diriger une nouvelle fois vers le bar...

Environ une heure, plus ou moins vingt minutes, plus tard (ou trois consommations au total, chacun, on peut aussi le compter comme ça, c’était peut-être plus simple... mais c'était peut-être quatre au lieu de trois, aussi), Ajartiel se sentait bien. Oui, oui. Même s’il avait accepté de rehausser ses bières avec de l’alcool fort (Doug-2 appelait cette création du somaek), parce que apparemment que c’était pas juste, sinon. Le même goût pour trois fois le pourcentage d’alcool. Dur dur d’être un Ange.

Bref, il pouvait sentir son énergie angélique combattre l’éthanol dans son sang, mais, globalement, il avait encore toute sa tête, franchement. Mais c’était marrant, parce qu’il était pas mal certain d’avoir maintenant, en face de lui, Léanne niveau un. Et c’est avec un sourire amusé qu’il appuya lui aussi son coude sur la table, attrapant la main que la Fée agitait devant lui. Parce que, semblait-il, ils faisaient un bras de fer, maintenant.

Léanne opposa une résistance respectable (compte tenu de sa carrure) pendant... environ 2 secondes. Et puis elle abandonna vraisemblablement et le dos de sa main alla heurter la table avec, pour ce faire, à peu près aucun effort à fournir de la part d’Ajartiel.

« Ah merde! »

Le Chef des Anges la dévisagea sans comprendre. Elle n’avait pas l’air si offusquée que ça, autant dans son ton de voix que dans son attitude. En fait, elle ne le regardait même pas. Hey, oh ! Compétitive mon oeil, oui. Mais il n’eut pas le temps de protester que la Fée était déjà sur le départ.

Elle se leva, un pied sur la table tel Captain Morgan (avec un peu moins de panache, quand même... ou alors Captain Morgan quand son bateau était soumis à de fortes vagues), puis entreprit de se déshabiller (euh... quoi ?), mais n’enleva finalement que ça veste. Merci bien. Ajartiel n’avait pas encore assez bu pour considérer l’exhibitionnisme comme une normalité. Mais bon, de toute façon, il n’en aurait peut-être pas aperçu grand chose parce qu’il se prit ladite veste en plein visage.

Le temps qu’il se libère du vêtement jeté sur sa tête et puisse à nouveau voir quelque chose, Léanne avait disparue. (Et Ajartiel vérifia sous la table, pour être sûr, mais non, elle avait vraiment disparue.) Hey !

L’Ange fronça les sourcils en regardant autour de lui. Il était, pour l’instant, moins affecté par l’alcool que sa compatriote. Une personne responsable, dans sa situation, aurait vu la nécessité de garder Léanne à l’oeil pour ne pas qu’elle fasse quelque chose de regrettable ou de dangereux. Ajartiel, lui, voyait surtout la nécessité de la retrouver parce qu’il n’était pas question d’avoir bu autant si c’était pour se faire planter là. Non mais. On lui avait promis les Léannes niveau deux et trois. C’était de la triche de se tirer comme ça !

Alors il se leva (Et, lui, il ne perdit pas l’équilibre ! Ha !), attrapa son verre, et se dirigea vers la piste de danse, après avoir aperçu ce qui ressemblait à une aile de libellule géante, par là-bas.

La Discothèque s’était remplie depuis qu’ils étaient arrivés et il eut un peu de mal à se frayer un chemin dans la foule. Il revit Dominico (très occupé à se déhancher), fit un détour pour éviter Amram (parce qu’il avait une mission, il ne fallait pas qu’il se laisse distraire par une conversation) et entendit quelqu’un l’appeler, mais bifurqua pour disparaître derrière un groupe. Il zigzagua un moment et ce ne fut qu’arrivé un peu en retrait, au fond de la pièce, qu’il retrouva enfin Léanne.

La Fée n’était pas toute seule. Et elle était occupée. Un grand sourire amusé s’étira sur les lèvres de l’Hongrois. Hello, Léanne niveau deux.

Il prit une gorgée de son somaek et s’approcha, se fichant bien de briser le moment, mais une femme se planta soudainement devant lui.

« Désolée monsieur. Pas de boisson sur la piste de danse. »

Ils étaient loin du l’épicentre de la piste, sérieux. Qu’est-ce qu’elle venait l’emmerder avec ses règlements... Il roula des yeux, vida son verre d’une traite, le lui tendit et la contourna sans y porter plus d’attention.

« Léanne ! ‘est-ce tu fous ? », demanda-t-il en croisant les bras, une fois près du couple.

« Hé! Ajartiel! Je te présente Elisa. Elle est nouvelle à la C.A.T. Eh! Tu savais que les lèvres des filles goutaient aussi bons? Tu devrais essayer… Quoi que, tu dois déjà savoir… … … En fait, tu as déjà embrassé quelqu’un toi? »

Si Ajartiel avait encore eu des doutes sur le niveau d’ébriété de Léanne, l’effort évident que la Fée eut à faire pour en venir à articuler une réponse était criant quant à son état, et ladite réponse encore plus. Devant les questions de sa copine de beuverie, l’Ange éclata de rire.

« Non, mais, tu me prends pour qui ? », finit-il par demander, rigolant toujours, sans vraiment songer à se présenter à Elisa qui, parce qu’elle ne disait rien, faisait partie du décors plus qu’autre chose. (Évidemment, peut-être qu’elle ne disait rien parce qu’il ne lui parlait pas, mais Ajartiel n’était pas trop en état de réfléchir à ça. Même s’il n’était pas saoul. Naaaan.)

Bien sûr qu’il avait déjà embrassé des filles. Franchement. Quelle drôle d’image Léanne s’était-elle faite de lui ? Oh, il n’était pas un moine, hein ! Et pis c’était marrant d’ailleurs, vu que, à la base, c’est ce vers quoi son père l’avait poussé. Mais il avait échoué. Uh uh.

Et pis, pas juste ça. Ajartiel n’était pas puceau non plus. Là.

Et comme si Léanne avait pu lire le chemin de pensée de l’Hongrois, elle demanda :

« Non, mais sérieusement. Les Anges ont une libido? »

Ajartiel roula des yeux si fort que sa tête suivi le mouvement, et Lilou dû se repositionner sur son épaule pour ne pas en être chassé. C’est donc à ce moment là que le Magyar constata la présence de l’oiseau. Wooo... Pourquoi il avait un piaf sur l’épaule ? Il n’était pas un pirate, pourtant.

« Uh. T’as une façon de flirter assez directe. », commenta distraitement Ajartiel, perturbé par la présence de l’oiseau. Mais il n’allait quand même pas lui mettre une baffe pour qu’il parte, le pauvre...

« Si tu le dis, mais tu n’as quand même pas répondu à ma question. », contra Léanne, mécontente.

Ajartiel haussa les épaules.

« Classiquement moi. », fit-il, en toute honnêteté et sans paraître le moindrement désolé.

Quelle avait été la question, déjà ? Il était distrait... Par Lilou, bien sûr, pas parce qu’il avait un peu, mais pas tant que ça, bu. D’ailleurs, inconscient de la scène qui se joua devant lui (avec l’arrivée d’un second Elfe et le départ d’Elisa), l’Ange dévisagea l’oiseau, encore sur son épaule. En fait, techniquement, les oiseaux n’avaient pas de visage. Était-il donc possible d’en dévisager un ? Il n’était pas sûr du nom que ça avait, chez les volatiles. Est-ce que c’était une gueule, comme chez les chiens ? Du coup... il dégueulait Lilou ? Bizarrement, ça sonnait pas pareil.

L’Hongrois revient sur terre après ces profondes réflexions étymologiques lorsque l’objet de son étude s’envola pour aller rejoindre la Chef des Fées, suivant la déclaration de cette dernière comme quoi elle était amoureuse. Cela fit sourire Ajartiel, qui n’eut cependant pas le temps d’articuler une réponse, car l’expression de Léanne changea rapidement. Elle avait soudain l’air triste.

« Ajartiel… Est-ce que l’on peut continuer de boire chez moi? Il y trop de gens. », se plaignit-elle. Face à quoi Ajartiel se demanda ce qu’elle voulait dire puisque, tiens, où était passé Elisa ?

Léanne se fit alors bousculer et heurta brusquement le torse d’Ajartiel, qui la réceptionna comme il le pu pour qu’elle ne s’écrase pas au sol. Ouais, effectivement, la piste de danse commençait à être plutôt remplie, même si Elisa était partie. Ils étaient, après tout, vendredi soir, le moment de la semaine qui animait la Discothèque de la CAT comme aucun autre.

« Okay ! », approuva le Magyar, que l’alcool rendait docile. Il attrapa la main de la Fée pour être certain qu’elle parviendrait à le suivre et se retourna, prêt à se frayer un chemin dans la foule tel un valeureux brise-glace, clamant bien fort : « Faites place au Plus Meilleur d’entre tous ! »

Il eut quand même besoin de pousser quelques personnes (qui ne l’avait probablement pas entendu, parce que, sinon, elles se seraient évidemment écartée devant sa magnificence !), mais Léanne et lui parvinrent à traverser la piste de danse sans trop de mal. Il ne relâcha cependant sa main que lorsqu’ils atteignirent la sortie.

« Je te suis, milady. », offrit-il avec une courbette.