À la surprise de plusieurs, la Chef des Fées et le Chef des Anges avaient une bonne relation. Léanne aimait bien l’humour de son homologue et malgré son certains manque de maturité, il avait le don d’être un atout en mission, ce qui était très important aux yeux de la Fée. C’est pourquoi elle était bien heureuse de commencer sa journée chargée avec cette rencontre.

À l’origine, ils étaient sensés se rejoindre à son bureau, mais les deux Chefs s’étaient croisés au réfectoire. Léanne sortait, un croissant de la veille dans la bouche et des dossiers dans les mains lorsqu’elle était passé à deux doigts de rentrer dans Ajartiel qui était venu se faire un chocolat chaud. La Chef des Fées lui avait fait signe qu’il était déjà en retard pour leur rendez-vous et qu’il n’avait pas le temps pour son chocolat chaud. En vérité, elle s’en fichait un peu, elle voulait juste le faire chialer un peu. Ce qui fonctionna à merveille. Ajartiel ne put s’empêcher de se plaindre qu’il avait d’autres choses à faire (ouais, c’est ça) et qu’il était tôt et blablabla… oh mais que ma vie est pénible, pouah! Les yeux de la jeune femme pétillaient de malice, mais elle garda un visage neutre. Léanne avait donc acceptée, en feignant l’agacement, qu’il se fasse un chocolat chaud.

Pendant que le Hongrois préparait son breuvage, ils avaient commencé à discuter de la dernière mission. Ils échangeaient les dires de leurs officiers sur ce qui devaient être amélioré pour la prochaine sortie et leurs pensées sur le sujet.

Le chemin jusqu’au bureau de l’Afro-Américaine se fit donc rapidement entre discussions sérieuses et taquineries. Léanne dut chercher les clés de son bureau dans ses poches avant de réussir à débarrer la porte. En en tournant la clé dans la serrure, la Fée demanda à son collègue, changeant le sujet : « Et puis? Comment vas ton petit Dieter? Toujours aussi craintif? »

Lilou, qui les suivaient jusque-là, en volant, vient se poser sur la tête de sa Fée alors que celle-ci se tournait vers Ajartiel qui ne répondait pas. Leurs regards se croisèrent un instant avant qu’il ne réponde : « Tout à fait d’accord ! »

Léanne ne put se retenir de s’esclaffer de rire. Elle rentra dans son bureau en riant, ses ailes se relevant légèrement dans son dos à chaque éclat. Elle alla déposer ses dossiers sur un classeurs et prit quelques secondes pour se reprendre. Qu’Ajartiel ne le prenne pas mal, elle ne riait pas de lui, elle avait seulement été prise au dépourvue par sa réponse. Elle grimaça, se sentant un peu mal d’Avoir réagis ainsi. « Pardon Ajartiel…» dit-elle. « Mais c’était trop comique ta façon de répondre avec autant d’assurance. Ouf! »
Elle prit Lilou, son Totem sur ses doigts et vient le gratter sur la nuque, le faisant fermer à demi les yeux de bonheur.
« Je te demandais comment allait Dieter », fit-elle en souriant gentiment à l’Ange.
Elle déposa la pie-grièche sur le dossier de sa chaise avec une dernière caresse affectueuse sur son bec et partit sa bouilloire électrique. Elle coupa quelques feuilles de menthe à son plant en pot et les ajouta à son mélange de thé noir préféré pendant qu’Ajartiel parlait. Elle lui indiqua la chaise sur laquelle il pouvait aller s’asseoir, de son côté, la Fée se servit une tasse de thé et s’accota sur le coin de son bureau pour regarder son collègue.

La Fée s’esclaffa et Ajartiel en déduisit qu’il avait loupé son coup. Souriant toujours malgré tout, il prit une petite gorgée de son chocolat chaud, ne se brûla presque pas la langue au passage, et suivit Léanne à l’intérieur de son bureau en attendant qu’elle reprenne contenance. Distraitement, il observa les toiles qu’elle avait accrochées aux murs, représentant des paysages. C’était quand même bien, un bureau rangé. Mais, non, ça ne l’encourageait pas pour autant à faire un effort pour le sien.

Léanne s’excusa, même s’il n’y avait pas de raison, vraiment. L’Hongrois ne se sentait pas insulté. Il avait juste manqué de chance dans son mensonge, ce qui lui arrivait sûrement au minimum dix fois par jour... D’ailleurs, lorsque la Chef des Fées commenta son trop plein d’assurance, il lui offrit une nouvelle fois ce sourire débordant d’aplomb.

« Je te demandais comment allait Dieter », reformula-t-elle finalement.

Ajartiel haussa un sourcil, surpris, et se détourna complètement des peintures.

« Pourquoi ? Il s’est encore battu ? », demanda-t-il, un peu inquiet.

Néanmoins, Léanne n’avait pas l’air hésitante dans sa question, suggérant qu’elle posait peut-être cette question sans arrière-pensée, juste comme elle aurait pu lui demander ce qu’il pensait du temps qu’il faisait. Mais, vraiment, fallait pas mentionner Dieter comme ça, venant de nul part ! Avec le jeune Ange et ses choix douteux en matière d’amitié, on ne savait jamais...

« Le mec est trop gentil pour son propre bien. Ça ou il lui manque deux-trois cases. », répondit le Chef des Anges, feignant un soupir désespéré sur la première hypothèse, et marquant la deuxième d’un sourire espiègle.

« Mais non, vraiment, je penche plutôt pour la première hypothèse. Après lui avoir parlé, je suis à peu près sûr qu’il est pas cinglé. Je veux dire, tu savais que je lui ai offert des cours particuliers, pour apprendre à... euh... gérer son entourage ? Il a quand même un minimum conscience des conséquences possibles de ses choix. »

Ajartiel se dirigea vers la chaise que lui désignait la Fée et s’y laissa choir, glissant sa jambe gauche sous la droite et laissant son bras gauche pendre par-dessus le dossier. Il prit une nouvelle gorgée de son chocolat chaud (qu’il tenait, évidemment, dans sa main droite), qui avait désormais la température idéale. Du coup, maintenant, il devait le boire rapidement avant qu’il ne devienne froid. C’était le défaut des boissons chaudes... L’équilibre thermique parfait avait une durée bien trop courte.

« Mais franchement, en même temps, je pense que ça fait bien l’affaire de monsieur Anderson. On n’a pas parlé de Dieter depuis un bout de temps tous les deux (parce que, sérieusement, je discute pas avec Anderson si j’ai le choix), mais son Will a clairement besoin d’un Dieter, si tu vois ce que je veux dire. »

Il prit une gorgée de son chocolat et jeta un regard dédaigneux au thé de Léanne. C’était quoi cette fixation qu’avaient les Fées avec le thé et les tisanes ?

« Tu sais, même si c’est pas végétalien, j’aurais rien dit si t’avais opté pour du chocolat chaud au lieu de... cette chose. », la taquina-t-il. Et puis, il retourna plus ou moins au sujet de Dieter : « Et toi, t’as des Fées à problème ? Y’en avait pas une qui s’était mise à dos Gustave... Clo ? Je crois ? Remarque que ça fait un bail, mais j’ai pas su s’il y avait eu une suite à l’histoire... »

Léanne rejeta derrière son épaule la queue de cheval qui retenait les nombreuses tresses qui composait sa chevelure, elle croisa les jambes sur le bureau et posa ses mains sur son genou en l’écoutant. Elle avait cet aspect des personnes sympathiques qu’il ne fallait mieux pas énerver, un félin apprivoisé qui avait encore un côté sauvage. Ajartiel aimait bien tester la limite, mais Léanne en était venue à si attendre, alors il devait faire de plus en plus d’effort pour la faire réagir. Pas que ce soit le cas en ce moment! Il n’avait pas l’étincelle de malice particulière qui venait avec ses facéties. Non, ce n’était que sa malice habituelle qu’elle voyait dans ses yeux bleus.

« Non, non, ne t’en fais pas. Je ne prenais que de ses nouvelles. Je sais qu’il t’a causé des… problèmes. » le rassura-t’elle, mais Ajartiel avait déjà enchainé.

« Le mec est trop gentil pour son propre bien. Ça ou il lui manque deux-trois cases. ».

Un léger sourire accompagna le regard perçant de la Fée alors qu’elle écoutait le Chef des Anges parler de son petit protégé. C’était elle, où il s’inquiétait pour Dieter? Difficile à dire avec Ajartiel, il gardait la plupart de ses sentiments bien cachés, comme son histoire.

« Mais franchement, en même temps, je pense que ça fait bien l’affaire de monsieur Anderson. On n’a pas parlé de Dieter depuis un bout de temps tous les deux (parce que, sérieusement, je discute pas avec Anderson si j’ai le choix), mais son Will a clairement besoin d’un Dieter, si tu vois ce que je veux dire. »

La chef des Fées ne put retenir un petit ricanement à la réplique d’Ajartiel sur Anderson, mais se pinça rapidement les lèvres pour reprendre son sérieux. Elle lui jeta un regard déspprobateur. Elle espérait qu’il ne parlait pas comme ça de son collègue devant les Catiens! Léanne se détendit à sa dernière phrase et hocha légèrement la tête, oui, elle avait une bonne idée de la situation.

C’est à ce moment que la bouilloire électrique de la jeune femme claqua, indiquant qu’elle avait finit de réchauffer l’eau. Elle se releva d’un mouvement fluide et alla verser l’eau chaude dans sa théière. Elle apporta celle-ci et une tasse à son bureau. Sa porcelaine n’avait rien de frivole, blanche et simple, sans plus.

« Tu sais, même si c’est pas végétalien, j’aurais rien dit si t’avais opté pour du chocolat chaud au lieu de... cette chose. »,

Elle leva les yeux au ciel, mais décida de ne rien ajouter. En s’asseyant sur sa chaise elle fit s’envoler Lilou qui se posa sur son bureau et se rapprocha d’un des tiroirs.

Hé, je peux grignoter pendant que vous dites rient d’intéressant? Fit l’oiseau masqué en frottant son bec contre le bord du meuble.

Léanne ouvrit un de ses tiroirs et tritura un peu dedans pendant qu’Ajartiel continuait de parler. Elle sortit une poignée de vers de farine séchés qu’elle mit sur le comptoir. Lilou ne fut pas long à les ramasser un par un pour les avaler tout rond.

La Fée n’avait pas tout compris que son collègue lui avait dit, mais elle réussie à déduire selon ce qu’elle avait entendue.

« Oui, Clo… C’était avant que je sois chef. Émilienne avait réglé la situation il me semble. Elle évite de croiser Gustave dorénavant. Elle ne me fait pas vraiment de problèmes. Je m’assure qu’elle est occupée et ça va. »

Elle se servit une tasse de thé et se laissa retombée dans son fauteuil, appuyant ses pieds sur son bureau. L’Afro-Américaine était plus détendue en présence de son homologue Angélique qu’avec n’importe quel autre des Chefs. Il avait beau être irresponsable, il lui permettait au moins de relaxer un peu.

Elle prit une gorgée de son thé et soupira de bonheur. Ajartiel pouvait dire ce qu’il voulait, elle adorait ça. Le thé lui rappelait sa grand-mère et ça la réconfortait. Elle releva les yeux vers son interlocuteur.

« Pour revenir sur le sujet de la mission… Je peux chialer? Parce que je suis un peu tannée qu’on envoie toujours les Fées dans des missions de guérison. On a d’autres capacités aussi! »

Elle jeta un regard rapide à son totem qui semblait bien heureux à manger ses vers et puis prit une autre gorgée de thé. Elle soupira avant de reprendre sa tirade.

« Je n’avais pas crue qu’être Chef m’aurait éloignée autant du champ de bataille. J’aimais bien être à la tête d’une troupe… Mais maintenant que je gère les fées, j’ai moins l’occasion de sortir et quand c’est le cas c’est pour de la guérison. Que personne ne s’étonne que je laisse mes meilleurs guérisseurs y aller par eux-mêmes. »

Elle grimaça et fit un petit sourire d’excuse à Ajartiel.

« Ouais… Je dois sonner un peu ingrate… Ce n’est pas que je n’aime pas gérer les Fées, au contraire… Mais il me manque d’action, d’adrénaline… Est-ce-que tu comprends? »

« Pour revenir sur le sujet de la mission… Je peux chialer? Parce que je suis un peu tannée qu’on envoie toujours les Fées dans des missions de guérison. On a d’autres capacités aussi! »

Le sourire amusé d’Ajartiel ne disparu que le temps que le Chef des Anges prenne, à nouveau, une gorgée de chocolat chaud, et revient l’instant suivant. Il n’avait pas de mal à s’imaginer Léanne s’énerver toute seule en recevant une proposition de mission qui ne lui convenait pas. Elle se gardait probablement de l’exprimer haut et fort devant les autres officiers, question de montrer un front uni, tout ça, tout ça... Mais son Totem (l’heureux bouffeur de vers séchés...) devait avoir assisté à la scène pas mal de fois vu que, effectivement, les Fées étaient, plus souvent qu’autrement, appelées pour leurs talents de guérison.

La Chef des Fées continua, se plaignant des tâches administratives. Oh, elle ne le dit pas comme ça, mais Ajartiel était suffisamment malin pour lire entre les lignes. Elle n’aimait pas être coincée derrière un bureau sachant qu’elle aurait pu être dehors et avoir l’impression de faire une différence concrète. Il comprenait, mais n’en dit rien.

Peut-être que la raison pour laquelle les Fées étaient appelées presque exclusivement lors de mission demandant des soins, c’était parce qu’après ce qui leur était arrivé en 2011, le peu de Fées restant devait à tout prix être protégé et qu’on ne leur reléguait donc des missions que lorsqu’on avait pas le choix. La guérison et quelques missions de recrutement, pour la forme et parce que c’est pas trop dangereux.

Le génocide des Fées était un souvenir qu’Ajartiel préférait ignorer et il choisit donc de garder la conversation orientée plus sur Léanne que sur les missions.

« T’inquiète. Je suis le roi de l’ingratitude. À côté, t’as forcément l’air de tout le contraire. »

Il lui fit un clin d’oeil, puis goutta de nouveau son breuvage chaud, dont il ne resterait bientôt plus rien. C’était une blague, mais, en même temps, pas tellement. Et ça ne le gênait pas.

« Tu pourrais chiper les missions données à d’autres races. En plus d’avoir quelque chose d’excitant à faire, tu vivrais le frisson de la désobéissance. », proposa-t-il, joueur, se doutant bien que Léanne ne suivrait pas son faux conseil. « Fais gaffe, on y prend goût. »

L’Hongrois se redressa sur sa chaise suite à cette phrase qui pouvait laisser sous-entendre tout un tas de choses qu’il n’avait pas l’intention d’élaborer. Comme sa propre attitude face aux missions qu’on lui relayait ou son escapade de l’année précédente... Posant sa tasse sur le bureau, il se pencha un peu vers l’avant et y appuya ses bras croisés, comme s’il s’approchait pour confier un secret à sa collègue.

« Et dit moi, si tes Fées sont sages et qu’on te relègue les missions les plus barbantes, tu occupes tes journées comment pour ne pas sombrer dans la déprime ? »

Le génocide des Fées, Ajartiel n’eut pas besoin d’en parler pour que le douloureux souvenir de ce qui été arrivé à son peuple lui revienne en mémoire. Elle savait bien que c’était probablement le plus grand responsable du petit nombre de missions palpitantes qui était relégué aux Fées. Même avant qu’elle ne soit Chef, elle avait remarqué une diminution nette du taux de mission pour lesquelles elle était interpellée. Elle n’avait même pas pu pratiquer aux missions de sauvetage, comme la plupart des Fées, pour peur que le virus leur soit transmis. Lorsqu’elle avait appris que sa communauté d’origine, en Afrique, avait été gravement touché, elle avait imploré Émilienne pour aller sur le terrain et sauvé les derniers survivants, mais sans succès. Elle n’avait pu qu’aider les quelques survivant (moins de 10) à s’installer à la C.A.T.

« T’inquiète. Je suis le roi de l’ingratitude. À côté, t’as forcément l’air de tout le contraire. »

Léanne fut heureuse de se faire sortir de ses pensées sombre. Elle remit ses pieds au sol (ou plutôt sur le banc qui lui permettait de ne pas avoir les pieds qui pendent dans le vide) et redressa son dos pour regarder Ajartiel. Elle lui fit une grimace en réponse à sa blague-qui-n’en-était-peut-être-pas-une. Sa réplique suivant ne la fit pas sourire cependant. Elle respectait autant les directives qu’elle s’attendait à ce que l’on respecte les siennes. Les seuls moments où elle avait fait preuve d’insubordination était lors de moments critique. Ses décisions permettant de sauver des vies. Que le Chef des Anges insinue qu’elle puisse enfreindre des ordres seulement parce qu’elle s’ennuyait un peu, elle se sentait insulté.

Sa bonne humeur lui revient assez vite toutefois, lorsqu’Ajartiel s’approcha pour lui demander, comme si sous le couvert de la confiance ce qu’elle faisait pour ne pas devenir folle. Certes, il ne l’avait pas dit ainsi, mais dans l’esprit de Léanne ça revenait pas mal au même.

Elle ouvrit la bouche et leva le doigt pour lui répondre, mais fut coupée par son Totem.

Ah! Elle se plaint! Voilà ce qu’elle fait! Fit Lilou qui avait finit ses insectes. Il se mit à nettoyer son plumage de son bec sans remarquer le regard noir de sa Fée.

« Hey! Je ne me plains pas tant que ça! C’est toi qui chiale tout le temps quand on doit se lever et que tu t’ennuis et que… » Léanne se tue en croisant le regard d’Ajartiel. Elle leva les yeux au ciel et poussa l’oiseau de revers de la main, je faisant s’envoler en piaillant, insulté d’un tel traitement.

« Ouais, Lilou dit que je ne fais que me plaindre. Mais il n’est pas mieux, c’est seulement qu’au lieu de ne se plaindre que sur un sujet, lui il se plaint de tout. »

La pie-grièche se posa au-dessus d’une bibliothèque avec un dernier cri avant de continuer son nettoyage de plumes. L’Afro-Amércaine sourit et fit un mouvement du poignet pour signifier qu’il valait mieux changer de sujet. Elle se pencha en avant avec un éclat féroce dans les yeux.

« Pour répondre à ta question, je me défoule dans mon entrainement et je donne une raclée aux élèves dans les cours de combat, ainsi qu’à Séraphin lorsqu’on s’exerce ensemble. »

Elle eut un rire un peu machiavélique. Ce n’était pas pour rien qu’elle ne donnait que très rarement les cours débutants. Elle était très sévère avec ses élèves, mais son enseignement portait fruits. Elle se recula un peu dans son siège et se mit à jouer avec un crayon.

« Mais ces derniers temps, mon horaire et celui de mon cousin ne concordent pas, alors je dois m’en remettre à mes élèves. » Elle rajouta en chuchotant : « Les pauvres… »

Un éclair de génie passa dans son regard alors qu’elle se tendit tout d’un coup. « Hey! Tu aurais du temps, toi, pour t’entrainer avec moi? » fit-elle pleine d’espoirs.

Contrairement à beaucoup, Léanne adorait les entrainements aux combats. Elle voulait toujours être au mieux de sa forme et garder ses réflexes, alors un entrainement quotidien, c’était le minimum pour elle. Le seul hic, c’était que lorsque son cousin, Séraphin, ne pouvait pas, elle avait de la difficulté à trouver des volontaires pour se battre contre elle… Elle laissa généralement sa marque sur le quelques un qui acceptait son invitation. Seuls quelques vampires l’affrontaient encore régulièrement. Elle espérait tout de même qu’Ajartiel ne portait pas trop attention à la réputation qui la précédait.

Ajartiel arqua un sourcil à la réponse bizarre et abrupte de Léanne. Wut ?

« Ouais, Lilou dit que je ne fais que me plaindre. Mais il n’est pas mieux, c’est seulement qu’au lieu de ne se plaindre que sur un sujet, lui il se plaint de tout. »

Un large sourire s’étira sur les lèvres du Chef des Anges, amusé, qui jeta un regard vers Lilou. Il l’aimait bien, ce piaf, tiens. L’attention d’Ajartiel revient cependant rapidement sur la Fée lorsqu’elle se pencha vers lui avec un regard dangereux, et il oublia son Totem perché hors de vue.

L’entrainement. Il aurait dû s’en douter. C’était tout Léanne, ça. Le stéréotype de la bonne Fée, qui passe ses journées à parler aux fleurs, à exhausser des souhaits, et ne ferait pas de mal à une mouche ? Et bien ce n’était définitivement par la Chef de cette Race qui avait contribué à le bâtir. Quoique, peut-être que, effectivement, Léanne n’aurait pas fait de mal à une mouche. Pas pour le plaisir, en tout cas. Les mouches, après tout, étaient des créatures innocentes, aux yeux des Fées, non ? D’un autre côté, elle avait bien une collection de vers séchés cachée dans un tiroir de son bureau... Mmm... La question demandait réflexion.

Quoiqu’il en soit, la réputation de Léanne était bien connue et il n’était pas surprenant qu’elle ait décidé de prendre en charge des cours de combat avancé ou spécialisé, mais pas ceux de base. Elle était possiblement capable de s’adapter à l’élève qu’elle avait en face d’elle (même si Ajartiel avait entendu une rumeur qui disait le contraire, alors qui sait ?), mais il fallait sûrement déjà au moins aimer un peu le combat pour apprécier un cours avec elle. La Fée n’était pas là pour perdre son temps avec des gens non-intéressés ou qui n’y mettaient pas les efforts demandés.

Léanne était une guerrière dans toutes les définitions du terme et avec toutes les caractéristiques qui s’y rapportaient. Il fallait être un peu masochiste pour vouloir la tester...

« Hey! Tu aurais du temps, toi, pour t’entrainer avec moi? », lança soudainement la Fée, joyeusement, et Ajartiel lui envoya un regard suspicieux.

Le Chef des Anges avait confiance en ses propres capacités en combat. Elles avaient été suffisantes pour le sortir de pas mal toutes les mauvaises situations qu’il avait connues, après tout. Et même s’il aimait bien pratiquer, pour s’amuser, il était à peu près sûr que Léanne et lui ne s’amusaient pas de la même façon. Lui, il aimait bien déconner, tester des trucs incongrus. Il était pas mal certain que la Fée ne prendrait pas un entrainement avec le même niveau de laxisme que lui. Elle lui semblait bien trop compétitive pour ça...

« Genre, on attrape un élève et on tape dessus à deux ? », demanda-t-il, feignant la naïveté. Et puis, d'un air sérieux (même s’il était évident qu’il ne l’était pas), il ajouta : « Léanne, c’est pas bien de faire ça. »

La Chef des Fées pencha la tête sur le côté en attendant la réponse de son homologue Ange. Elle réussissait tout de même bien à contenir son excitation, si ce n’était ses ailes qui vibraient légèrement dans son dos.

Du haut de son perchoir, Lilou soupira. Tu as quel âge Léanne? On dirait une gamine la veille de Noël.

Léanne émit un petit grognement agacé, mais décida de l’ignorer. Ils s’enduraient depuis presque 200 ans, elle arrivait donc, parfois, à ne pas l’encourager dans sa mauvaise foi.

« Genre, on attrape un élève et on tape dessus à deux ?  Léanne, c’est pas bien de faire ça. »

La réponse de l’Ange prit un peu au dépourvue son interlocutrice. Celle-ci fronça les sourcils en le dévisageant avec un petit air mi-exaspéré, mi-amusé. Elle prit quelques secondes avant de décider comment elle allait lui répondre. Finalement, elle finit par laisser échapper un rire et leva les yeux au ciel. Ça servait à rien de reprendre Ajartiel, il savait clairemment qu'il disait n'importe quoi.

« Oui, c’est tout à fais ça. Tu as tout compris. Mais si tu n’aimes pas, je peux toujours demander à quelqu’un d’autre de s’ajouter. 3 bons combattants sur un élève débutant, ça devrait être équitable non? » fit-elle avec une voix sarcastique, en s’amusant à jouer le jeu et à rendre l’histoire d’Ajartiel encore plus invraisemblable.

Évidemment, Ajartiel ne pouvait pas garder une expression grave bien longtemps, et son sourire revint vite, lorsque Léanne rigola en réponse à sa remarque. Elle avait hésité, il l’avait bien vu, mais elle n’avait pas pu résister, au final. Héhé.

« Oui, c’est tout à fais ça. Tu as tout compris. Mais si tu n’aimes pas, je peux toujours demander à quelqu’un d’autre de s’ajouter. 3 bons combattants sur un élève débutant, ça devrait être équitable non? »

Le Chef des Anges se laissa basculer vers l’arrière pour s’adosser à sa chaise et, portant un index à ses lèvres, il fronça les sourcils en faisant mine de réfléchir, dévoilant une fois de plus ses talents d’acteurs. De Léanne et lui, il n’était certainement pas celui des deux qui allait ramener leur conversation vers quelque chose de sérieux.

« Mmm... », fit-il, contemplatif devant la proposition, tel le grand esprit critique qu’il était... ou pas. Il laissa passer deux ou trois secondes de plus (pour l’aspect dramatique de la chose, duh !) avant d’en ajouter une couche :

« Ouais... J’en sais rien, ça me semble encore chaud. Il serait armé, l’élève ? S’il est pas armé, on pourrait peut-être s’en tirer, avec un peu de chance, j’imagine. Mais sinon, faudrait de toute évidence envisager du renfort. Peut-être pas un quatrième bon combattant, mais genre, un moyen disons. Ou alors deux médiocres. »

Un demi-sourire amusé jouant sur ses lèvres, Ajartiel étira un bras pour prendre sa tasse et fit la moue en réalisant, comme il l’avait déjà constaté puis oublié pas longtemps auparavant, qu’elle était vide.

Léanne eut un léger rire en secouant doucement la tête. Incorrigible Ajartiel. Elle allait rajouter une couche supplémentaire à leur histoire idiote lorsque l’on cogna à la porte.

La Fée se releva d’un bond et regarda l’heure sur l’horloge accrochée au mur devant elle. Même debout, elle restait plus petite qu’Ajartiel assis, remarqua Lilou, d’un œil endormi.

« Déjà 7h? » grommela-t-elle tout bas avant de se tourner vers la porte. « Tu peux rentrer Séraphin. »

Le cousin de Léanne rentra dans la pièce. Il était tout sourire, comme à son habitude. Ses cheveux noirs en dreadlocks étaient attachés en une queue de cheval sur le dessus de sa tête. Ses yeux brun-clair entouré de vert ressortaient sur sa peau foncée. Il portait un t-shirt et une veste dans le même style que ce que porte les joueurs de football américain, dans les teintes de verts et de bruns. Des jeans et des espadrilles de marque finissaient sont look décontracté. Il tenait dans ses bras une tablette électronique et avait sur sa tête des lunettes de vues qu’il détestait porter.

La Fée était visiblement quelqu’un qui était facile à vivre et constamment de bonne humeur. En cours de combat, il était le contraire de sa cousine, ayant toujours le bon mot pour encourager et étant très compréhensif de ses élèves. Il avait plus tendance que Léanne à donner les cours de débutants.

Il salua Léanne et puis Ajartiel, alors que son Totem, un moqueur chat nommé Hiro, s’envola de l’épaule de la Fée pour aller déranger Lilou, le picossant pour qu’il se réveil de la sieste qu’il était en train de faire. On entendit des piaillements et les deux oiseaux s’envolèrent, Hiro poursuivant la pie-grièche.

« Hé, je ne veux pas vous déranger. Ça peut attendre un peu. Hiro! Sois gentil. Désolé. » Fit l’homme avec un sourire d’excuse.

Lilou vient se cacher de son poursuivant dans les bras de Léanne.

Oiseau de malheur, piailla-t-il.

La Chef des Fée fronça le nez devant ce capharnaüm. Elle soupira et sourit patiemment à Séraphin qui avait maintenant un oiseau de posé dans son épaisse chevelure.

« Non, ces dossiers ne peuvent plus attendre. Il faut régler ça au plus vite. » Elle se tourna vers le chef des Anges avec un sourire d’excuse. « Notre réunion va devoir se finir là. Mais, Ajartiel, j’aimerais vraiment que l’on puisse s’entrainer ensemble. Est-ce que tu aurais du temps ce vendredi? »

La femme athlétique avait perdu son air décontracté qu’elle avait eu quelques instants auparavant avec son homologue angélique, elle avait repris un peu son attitude de Chef. Elle avait oublié pendant un instant tout ce qui la tracassait, mais là, elle avait du pain sur la planche.

Les délires de Léanne et Ajartiel furent interrompus par des coups frappés à la porte du bureau de la Fée. L’Ange lui jeta un regard curieux, tandis qu’elle grommelait à propos de l’heure, puis tourna la tête vers l’entrée de la pièce, lorsque Séraphin fut invité à entrer.

Ajartiel n’avait pas croisé le cousin de Léanne très souvent. Il avait cru comprendre que son look reflétait assez fidèlement son caractère. Un mec sympathique et bienveillant, donc. L’Hongrois le salua chaleureusement d’un sourire et d’un geste de la main, puis fut distrait par les deux petites tornades de plumes qui se firent la chasse à travers le bureau, avant que Lilou n’abandonne et trouve refuge auprès de sa Fée.

Est-ce que, pour une Fée mâle, on disait aussi une Fée ? Ou un Fée ? Après tout, on pouvait dire Une Ange, Une Vampire, Une Elfe... Les Sorciers avait une version féminine du nom de leur Race (une Sorcière)... Est-ce que les Fées mâles étaient des Fés ? Ou peut-être que c’était carrément un autre mot, comme les juments et les étalons... Les béliers et les brebis... Les lièvres et les hases... Les jars et les oies... Les–

Ajartiel fut tirer de ses réflexions philosophiques lorsqu’il entendit son nom.

« Mais, Ajartiel, j’aimerais vraiment que l’on puisse s’entrainer ensemble. Est-ce que tu aurais du temps ce vendredi? »

« Hum ? »

Vendredi ? Ils étaient quel jour, là ? Vendredi, c’était dans genre... au moins plus de 48 heures. Comme s’il était au courant de son agenda autant à l’avance. Il comptait plutôt sur les gens pour lui rappeler ce qu’il avait à faire au jour le jour. Il se faisait souvent appeler par télépathie, d’ailleurs. Comme si les gens avaient fini par se dire que le meilleur moyen de voir l’Ange, c’était d’avoir un ami Sorcier pour être certain qu’il se pointe à ses rendez-vous. Mais, hey, ça avait fait ses preuves comme façon de faire ! Du coup, il n’avait pas vraiment besoin d’agenda. Et tout le monde était content. Ou en tout cas, au moins lui (parce que ça lui demandait moins d’organisation), et c’était le principal.

« Peut-être bien. », répondit-il évasivement.

Il se leva et s’étira. Apparemment, on le mettait gentiment dehors, alors il se dirigea vers la sortie, oubliant complètement sa tasse sur le bureau de sa collègue.

« Tu t’occupes d’amener la victime et je vérifie si je connais deux personnes médiocres ! »,
lança-t-il joyeusement, en guise d’au revoir, en passant devant Séraphin. (Le pauvre devait être largué. Muaha !)