« Nous avons le temps de trouver une solution non? Nous allons monter un plan solide avant la prochaine réunion des chefs et il ne pourra pas refuser. » fit la chef des Fées qui était dans le bureau de son collègue vampirique

Il lui avait demandé son aide car une demande bien particulière était arrivée sur le bureau de M. Anderson. Un couple d’une Vampire et d’un Elfe souhaitait pouvoir s’installer ensemble dans une cabane dans les arbres des Elfes. Le problème c’était qu’avec le racisme non caché que chef des Elfes par intérim vouait aux vampires, sa réaction risquait d’avoir des effets catastrophiques (ou CATastrophique, haha) pour les relations inter-espèces au sein de la base.

Leur collègue elfique n'aimait pas les vampires (et encore c’est presque de l’euphémisme) et leur régime alimentaire particulier. Lui demander d’accepter qu’un de ceux-ci vive dans sa communauté n’allait pas être facile, voir impossible. C’est pourquoi le chef des Vampires avait demandé son aide à Léanne. Elle était celle qui avait le plus souvent à travailler avec le chef problématique puisque leur race respective partageait le même pallier. Cela ne faisait toutefois pas de l’Afro-Américaine une experte sur le sujet d’amener une proposition difficile à Gustave.  Elle anticipait déjà le moment et envisageait même de demander à Geneviève d’utiliser son veto, mais la chef ne s’occupait plus vraiment de la logistique de la gestion des Elfes, laissant cela à son chef par intérim. De plus, l'idée de tramer dans le dos de Gustave ne plaisait pas à Léanne. Non, ils allaient devoir le convaincre à coup d’arguments et de sermonts.

Léanne soupira. Elle trouvait que Gustave travaillait bien et était, somme toute, un bon chef. Mais ses opinions arrêtées lui tapaient vraiment sur les nerfs. Il était vraiment trop intransigeant et cela rendait le travail des autres chefs, excepté Ajartiel (car il se foutait bien des blesser les sentiments de l'Elfe), plus difficile. Certes la Fée restait toujours courtoise et polie avec lui. Elle considérait qu’il était important de garder de bons contacts avec ses collègues et elle ne voulait pas laisser ses sentiments influencer la façon qu’elle abordait le chef Elfique.

La chef sortie de ses pensées critique de son homologue elfique et sourit doucement au vampire en s'assoyant sur le siège face à son bureau.
« Il ne peut pas laisser son opinion affecter ses décisions au point de nuire aux membres de sa race… Et il serrait injuste de demander à un Elfe d’aller vivre dans un sous-sol loin des arbres… Je les comprends de vouloir vivre dans le cloître. Dans le pire des cas, je leur offrirais une hutte. » dit-elle en croisant les bras, décidée à vivre avec la colère de Gustave qu’allait apporter une telle action.

Elle compatissait avec monsieur Anderson et elle souhaitait l’aider. Il avait sans doute le travail le plus difficile de tous les chefs. Déjà que les vampires pouvaient être des créatures difficiles, il devait en plus gérer un collègue qui le détestait. Léanne était souvent impressionnée par le calme du chef des Vampires. Il n’avait jamais haussé le ton, même dans les pires situations. En plus, jamais elle n’avait pu remarquer chez lui des indices lui laissant croire qu’il avait soif. Il était soit un expert à ignorer ses pulsions ou très bon pour les cacher. Jamais il n’avait eu un regard discret pour la jugulaire de la Fée ou d’une autre Catiens. Mais il n’était pas le seul, il y avait un grand contraste entre les vampires nouveau-né, de ceux, plus anciens. Il en était parfois difficile d'imaginer qu'ils fassent partie de la même race.

Ah non! Elle s'était encore perdue dans ses pensées! Elle se racla la gorge et demanda : « Quelle sont les points principaux de ta stratégie? Comment souhaites-tu que je t’aide exactement? ».

« Il ne peut pas laisser son opinion affecter ses décisions au point de nuire aux membres de sa race… Et il serrait injuste de demander à un Elfe d’aller vivre dans un sous-sol loin des arbres… Je les comprends de vouloir vivre dans le cloître. Dans le pire des cas, je leur offrirais une hutte. », décréta Léanne avec détermination.

Et n’était-il pas injuste d’imposer aux autres elfes de vivre à proximité d’une créature qui les effrayait ? Monsieur Anderson savait déjà qu’il s’agirait là d’un des arguments de Gustave. Même si l’objectif noble de la CAT était d’unifier toutes les races, les vampires étaient la variable problématique de l’équation. Une grande partie des Catiens étaient prêts à coopérer avec eux, mais de loin. Tout comme la majorité des vampires étaient prêts à collaborer, du moment qu’on respectait leur besoin de solitude, certes. Mélanger partenariat et distanciation n’étaient évidemment pas la meilleure façon d’en venir à l’unification souhaitée, mais le statu quo né de ces deux éléments fonctionnaient, pour l’instant. Forcer un changement, c’était risquer un problème et Gustave détestait les problèmes.

D’un autre côté, obliger un couple à vivre séparément était cruel. Monsieur Anderson doutait toutefois qu’un argumentaire sentimental parviendrait à atteindre le chef des elfes. Il leur fallait donc rationnaliser la chose et, accessoirement, qu’il ne soit pas celui des chefs à présenter l’idée à Gustave. Avec le temps, il avait compris que l’elfe, par principe, s’opposerait bien plus à lui qu’à Joëlann, Léanne ou même Ajartiel.

« Quelle sont les points principaux de ta stratégie? Comment souhaites-tu que je t’aide exactement? », demanda la chef des fées, telle l’excellente tacticienne qu’elle était.

« Je crois que– », commença le vampire, mais il s’interrompit lorsque trois petits coups brefs résonnèrent contre la porte de son bureau.

Il n’eut pas le temps de se lever pour aller ouvrir, ni même de simplement inviter le visiteur à entrer, car ledit visiteur n’attendit aucune permission. La porte s’ouvrit sur Vivian, décoiffée et arborant une expression alarmée.

« Pardonnez mon intrusion, mais je dois vous rapportez un incident entre deux elfes ayant causé toute une cohue dans la bibliothèque… »

Monsieur Anderson savait la vampire théâtrale et prompte à l’exagération. Il aurait toutefois été irresponsable de rejeter la déclaration qu’elle venait de faire sur la seule base de ce préjugé. Elle avait, par ailleurs, l’air plus chamboulée qu’à l’ordinaire, elle qu’on voyait toujours bien mise. Il fronça donc les sourcils, accordant son attention à son élève.

« Vivian ? Qu’entendez-vous par ‘‘incident’’ ? », demanda-t-il en masquant son inquiétude.

M. Anderson allait lui répondre, lorsque trois petits coups furent donnés sur la porte, rapidement suivit par la douce entrée d’une vampire que Léanne ne connaissait pas. Elle se leva à demi comme pour accueillit la nouvelle venue, mais s’arrêta à mi-chemin de son mouvement.  La chef des Fées ne savait que penser de la vampire… Elle semblait s’habiller avec beaucoup de goût, le sien, pas celui de Léanne, comme une dame de haute société. Léanne avait rencontrée plusieurs de ces femmes il y a de ça plusieurs années. Elle les trouvait en général superficielles et idiotes. Des femmes qui n’avaient jamais eut à travailler une seule seconde de leur vie. Mais des femmes qui, parfois, semblaient aussi prisonnières que l’avait été l’Afro-Américaine lorsqu’elle était esclave. La Fée n’aimait pas ce genre de femme, mais celle qui se présentait devant eux avait quelque chose de différent. Peut-être était-ce ses cheveux défaits ou son regard déterminé, mais elle avait quelque chose de particulier.

On dirait qu’elle vient de tuer quelqu’un, dit Lilou, perché dans un coin éloigné des vampires.

Sa Fée se retourna vivement pour le regarder avec des gros yeux. Une chance que les gens présents ne le comprenaient pas. Il ne savait clairement pas tenir sa langue cet oiseau.

Pendant que Léanne sermonnait son Totem d’un regard meurtrier, elle entendit à moitié ce que dit la vampire. Elle se leva et se recula un peu pour pouvoir mieux voir les deux interlocuteurs.

« Vivian ? Qu’entendez-vous par ‘‘incident’’ ? », demanda M. Anderson.

Léanne le regarda alors qu’il parlait, puis fronça les sourcils, un incident? Était-ce grave? Avec les vampires les incidents pouvaient rapidement tourner en de gros accidents. Sauf que la vampire n’avait pas dit que des Elfes étaient impliqués?

Le nom que M. Anderson avait utilisé pour parler à son élève revient en tête de la Fée. Vivian? Ce n’était pas la nouvelle recrue qui était arrivée de New York? Celle qui était dans les plus vieux vampires de la C.A.T.? Celle qui avait monté une grande troupe de vampires qui étaient malheureusement décédés avant que la C.A.T. ne puisse les sauver? Eh bien, Léanne ne s’était pas attendue à ce qu’elle soit si… théâtrale… Les vieux vampires qu’elle avait croisés faisaient tellement plus… mort? Du moins, ils étaient plus amorphes. Elle était agréablement surprise que ce n’était pas le cas de Vivian!

Elle se déposa doucement au sol et fit signe à Lilou de la rejoindre. Il alla s’installer sur l’épaule de sa Fée.

« T… Vous nous expliquerez en chemin. Allons voir ce qui se passe. » dit la jeune femme en s’avançant vers la porte. Le vouvoiement ne lui venait pas toujours facilement, d'où sont béguaillement du début de sa phrase.

S’il y avait un incident, il valait mieux si rendre au plus vite. Ils pouvaient parler et marcher, non?

« Oh et Vivan… Vous avez, hum… du sang sur votre lèvre. » ajouta-t-elle parce que son Totem n’arrêtait pas de dire que c’était la preuve qu’elle avait blessé quelqu’un (au moins il ne disait plus que c’était tué).

Passé l’éclat théâtral de son arrivée, Vivian ne semblait pas empressée de les entraîner jusqu’à la bibliothèque, prenant d’abord le temps de répondre aux questions. Elle confirma qu’il n’y avait pas de blessé et l’imperceptible tension dans les épaules de monsieur Anderson se relâcha. C’était l’élément important.

« Je crois que la collection est à tout jamais abîmer. », mentionna la vampire en déposant devant son chef un livre effectivement bien peu reluisant. Sa façon de formuler la chose ainsi que son langage non-verbal semblaient indiquer que cette conséquence, ce bris matériel, était la raison de son affolement, et non l’altercation entre les deux elfes. Monsieur Anderson ne fit cependant aucun commentaire.

Vivian essuya le sang sur sa lèvre et le chef des vampires détourna machinalement le regard, ignorant, comme à son habitude, la vue du sang en présence d’invités. Il se leva, prêt à suivre la vampire avec Léanne, et son attention tomba sur Lilou, qui semblait excité. Il se souvenait que le totem de la chef des fées avait été plutôt agité avec lui, au début. Peut-être se méfiait-il instinctivement des vampires inconnus. Comme la majorité des animaux.

« Si je peux vous rassurez, puisque cette question revient toujours lorsqu’on retrouve un vampire et un complexe d’hémoglobine dans une même situation, ce n’est pas leur sang : c’est le mien. », continua Vivian.

Encore une fois, monsieur Anderson garda le silence, mais il devait admettre qu’il était content qu’elle fasse cette précision, puisque l’idée lui avait effectivement traversé l’esprit. Il ne connaissait pas encore suffisamment bien cette élève en particulier pour avoir confiance en son hypothétique capacité à se contrôler. Plus les vampires étaient vieux et mieux ils se maîtrisaient... en général. Mais pas toujours.

Le trio se mit finalement en marche, monsieur Anderson laissant poliment Léanne et Vivian passer devant pour sortir. Il referma la porte de son bureau avant de les suivre, tandis que Vivian reprenait la parole une fois de plus. Elle mentionna malheureusement Gustave, révélant que l’aversion du chef des elfes pour les mort-vivants étaient décidément encore bien trop visibles, si même une nouvelle venue était au courant.

« S’il n’y a personne de blessé, il n’y a pas lieu de vous inquiéter. », répondit simplement monsieur Anderson, refusant de discuter de son collègue devant une élève. De toute façon, si elle avait blessé quelqu’un, ce serait à lui qu’elle aurait eu affaire, et non à Gustave. Il s’en serait assuré.

« Le bibliothécaire en service est-il au courant ? », demanda le chef des vampires tandis qu’ils marchaient, en partie pour changer le sujet.

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