La lueur du jour se faufilait entre les maisons, projetant devant elle des auras de lumière qui découpait impécablement les pourtours irréguliers des nombreuses installations que constituaient le village. Il n'y avait que très peu de bruit, seulement celui de la brise matinale qui venait effleurer les feuilles et faire danser les carillons. L'odeur était tout à fait délicieuse, pleine de vie et de pureté. La pluie qui avait secoué la nuit c'était éteinte à l'aurore et avait laissé derrière elle des perles de rosée. Cette ambiance d'une remarquable placidité ne se serait suivi, en temps normal, d'aucun évènement fâcheux, mais, ce jour, laissa place à la plus paradoxale des situations.
Alek était encore perdu dans ses rêves lorsqu'il fût brutalement réveillé par les bruits que produisait l'état d'affolement de sa mère. Elle ne cessait de répété cette même phrase qu'Alek n'avais jamais su comprendre jusqu'à maintenant. « C'est aujourd'hui que mon erreur sera punis par les Dieux.» La tristesse avec laquelle elle prononçait ces paroles auraient normalement suffit à ce jeune elfe à comprendre, mais la naïveté d'un enfant est un défaut inéluctable qui entraîne bien souvent avec elle le désespoir. À genoux au sol, les mains entourant à la manière d'un boîtier l'evenstar que portait assidûment sa mère au cou, Méa Kynn murmurait machinalement des prières elfiques dans le but, disait-elle, de purifier son âme face au maître et d'ainsi obtenir leur pardon. La communauté d'Uluru, hélas, n'avait qu'une manière de répondre aux Dieux, qui ne promettait l'émancipation de leur acte que par l'éradication de sa cause. Les yeux amorphes du jeune homme considérait avec aménité l'état lamentable de sa mère, chagrinée par la complaisance déterminée qu'elle portait envers son peuple. Il se leva et s'avança tranquillement vers celle qui l'avait mis au monde, autrefois déterminée, aujourd'hui résigné par la peur. Sa main toucha la sienne avec tant de tendresse qu'Alek perçu dans son regard, le temps d'un instant, l'étincelle d'un espoir passé, qui s'éteignit sous la désillusion...
Les yeux d'Alek souvrirent subitement, mais se refermèrent aussitôt sous l'intensité aveuglante de la lumière que produisait les néons de l'étrange salle dans laquelle il se trouvait. Il prit un moment pour s'acclimater à cet ambiance frigide, puis entrouvrit ses paupières noirçit par la fatigue. Le rêve qu'il venait de faire l'avait visiblement ébranlé, il semblait toujours flotter dans un univers inaccessible, lointain. Il scruta la pièce, intrigué par l'aspect macabre et inerte de la décoration. *Une salle de torture ? * proposa-t-il à Klaus, qui lui s'était réveillé il y a un moment déjà. Il tenta de se relever, mais une puissante douleur à la tête le pris de court et le força à s'étendre de nouveau, étourdit. Il passa une main à son front, suintant de chaleur, puis la glissa le long de sa joue pour la porter à sa nuque. Il sentit alors un liquide visqueux et chaud couler le long de ses doigts. Une nausée insupportable s'empara de lui, faisant crisper son corps douloureux. Il plongeait de nouveau tranquillement dans les abîmes lorsqu'une des deux portes s'ouvrit bruyamment et le fit sursauter.