Ce message est posté par Émilienne

“Réveillez-le, s'il-vous-plaît.”, demanda gentiment Émilienne à Andrea. De toute évidence, ils en viendraient là de toute façon. Aussi bien arrêter de débattre sur les impressions et les déductions d’une poignée de personnes basées sur deux minutes d'interactions.

L’infirmière s’activa prestement autour du corps inanimé d’Ajartiel, qu’on avait amené à l’infirmerie. C’était étrange de le voir couché sur un lit d’hôpital et l’ancienne chef des Fées se mordit anxieusement les lèvres en fixant son ami. À côté d’elle, monsieur Anderson lui jeta un regard qui se voulait peut-être rassurant, mais qu’elle ignora. Elle n’avait jamais vu Ajartiel malade avant. Elle avait le droit de s’inquiéter.

Le chef des Anges commença à bouger. Assise à son chevet, Luiza se mit à sourire doucement, certainement prête à se vouloir apaisante quand il ouvrirait les yeux. Debout au pied du lit, Gustave croisa les bras en pinçant les lèvres, affichant l’attitude complètement inverse. L’Elfe attendait fort possiblement le moment où il s’avèrerait que Ajartiel était, en fait, tout à fait en santé, et où il pourrait leur faire remarquer comment tout ceci avait été une perte de temps.

N’empêche... Yuval, lui, ne s’en tirait absolument pas bien, dans cette histoire...

Ajartiel reprit conscience et se redressa dans le lit tout en se frottant les yeux de la paume d’une main. Son regard passa de l’une à l’autre des personnes présentes et... et il n’avait pas l’air de les reconnaître...

“Ajartiel ?”, demanda doucement Luiza.

“Qu’est-ce qui s’est passé ?”, exigea de savoir Gustave, sèchement.

“Hum ?”, fit juste Ajartiel, à demi-assis, en se grattant la tête avec un faible sourire gêné.

“Ajartiel.”, soupira Émilienne, soulagée malgré tout. “Vraiment désolée que tu te retrouves ici. Anton a peut-être réagit un peu excessivement...”

Elle étira un bras pour lui prendre la main et même s’il ne se rétracta pas réellement, il se crispa néanmoins, comme si... Est-ce qu’il avait peur d’elle ?

“Je ne crois pas qu’il nous reconnaisse, ni qu’il comprenne ce qu’on lui dit.”, nota posément monsieur Anderson.

“Nem vagyunk az ellenségeid.”, fit alors Gustave, hésitant à peine.

“Furcsa hívás.”, répliqua l’Ange, son sourire se faisant plus naturel, presque soulagé. “És furcsa akcentussal. De rendben. Szóval beszélsz magyarul ?”

“Qu’est-ce que vous lui avez dit ?”, s’étonna Luiza.

“La seule phrase que je connaisse en Hongrois. Que nous ne sommes pas ses ennemis.”, renseigna le chef des Elfes. Évidemment, quelqu’un comme Gustave avait probablement appris par coeur cette phrase dans des dizaines de langues. Il était, avant toute chose, un Général de la CAT, prêt à s'acquitter de cette tâche.

“Quel est le pouvoir de Yuval ?”, demanda ensuite monsieur Anderson, sans quitter Ajartiel des yeux.

Le Magyar sembla s’irriter de cet échange. Retirant son bras de la prise d’Émilienne, qui le laissa faire, il entreprit de se lever du lit. Était-ce sage ? Devaient-ils le laisser faire ?

“Ajartiel.”, tenta la Fée pour le retenir, sans toutefois oser physiquement s’interposer et sans savoir quoi dire d’autre. Les autres chefs semblaient tout aussi incertains et personne ne tenta d’arrêter l’Ange.

Ce dernier n’en avait de toute façon visiblement rien à faire d’eux et il se dirigea juste vers la sortie, se heurtant heureusement à une porte verrouillée. Était-il en mesure de passer au travers ? Grognant quelque chose pour lui-même, Ajartiel parcourut le reste de la salle du regard, cherchant de toute évidence une façon de sortir qui n’impliquait pas de dématérialisation. Son regard se fixa pendant un temps dans celui d’Émilienne, qui retint son souffle.

“On demande un interprète qui parle hongrois ?”, suggéra Gustave.

“Yuval peut projeter les gens dans leurs souvenirs.”, expliqua alors Luiza. “Je ne suis pas certaine, mais je pense que c’est plus qu’une question de langue...”

Soudainement, Ajartiel grimaça. Il tituba et monsieur Anderson se précipita pour l’attraper avant qu’il ne perde connaissance. Andrea fut, elle aussi, presque immédiatement à ses côtés.

“Désolée !”, s’exclama l’infirmière. “Les Anges et les sédatifs. C’est toujours compliqué à doser. Laissez-moi-”

“On est aussi bien de le laisser dormir.”, coupa Gustave.

“Le pouvoir de Yuval fonctionne au touché.”, reprit Luiza, tandis que le chef des Vampires ramenait un Ajartiel inconscient sur la civière qu’il avait précédemment quittée. “Ce n’est absolument pas normal que Ajartiel en soit présentement affecté.”

“Donc, quoi ? On suppose que ça va juste s’estomper naturellement parce que c’est ce que ça aurait dû faire ? On le réveille à tous les heures pour vérifier s’il s’est magiquement remis tout seul ?”, s’indigna légèrement Émilienne.

“On peut commencer par trouver quelqu’un qui parle vraiment Hongrois.”, proposa le chef des Elfes.

“S’il est coincé dans un souvenir, ça risque d’être compliqué.”, contra monsieur Anderson. “Il est dans un endroit qu’il ne connaît pas, fort probablement à une époque qui n’a rien à voir avec celle où il croit se situer. Les chances qu’on puisse raisonner avec lui sont minces.”

Déjà que ce n’était pas gagné quand il était lui-même...

“J’ai peut-être une idée.”, fit alors Luiza.
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