11 juillet 2021

Léanne avait appréhendé cette réunion. Elle savait qu’elle allait devoir apporter le sujet de la Vampire qui souhaitait rejoindre sa copine Elfe dans sa cabane de la forêt des Elfes. Elle avait proposé à M. Anderson d’être celle qui en parlerait à la réunion, parce qu’elle savait que Gustave ne voudrait rien entendre de la part de son homologue vampirique. Elle espérait que la réaction de l’Elfe serait moins exaspérante si ça venait d’elle. Elle en doutait, mais bon, l’espoir fait vivre.

Un peu par habitude et un peu en espérant que sa présence l’aiderait à garder son calme, la Fée c’était assise à côté d’Ajartiel pour la réunion. Ils avaient passé la nuit ensemble, comme souvent, dans son nouveau lit de Fée double. L’Ange ne pouvait pas s’étirer complètement les jambes dans ces nouvelles commodités, mais il ne s’était plaint que pour la forme. Léanne le soupçonnait d’être content que le lit soit quand même assez petit pour leur donner une raison de dormir collés. En tout cas, la chef des Fées, elle, ne s’en plaindrait pas!

Malgré leur nuit partagée, ils n’étaient pas arrivés à la réunion en même temps, puisqu’elle avait eu besoin de prendre une douche. Cela permettait aussi de donner l’illusion qu’ils n’étaient pas toujours ensemble, ce qui était pourtant presque le cas. La Fée se demandait comment l’Ange faisait pour passer autant de temps avec elle, il ne la trouvait pas barbante? N’avait-il pas d’autres amis qui le manquait? Lorsqu’elle lui avait demandé, il avait rejeté la question d’un haussement d’épaule et avait commencer à débiter une histoire ridicule sur sa magnificence ou quelque chose du genre.

De son côté, Léanne appréciait la présence de l’Ange. Au début, elle avait été surprise qu’il vienne la visiter aussi fréquemment, mais elle s’était rapidement habituée à ce qu’il soit près et avait fait attention à l’inclure dans ses activités. Elle appréciait particulièrement qu’ils n’avaient pas toujours besoin de faire quelque chose ensemble, ils pouvaient aussi tout simplement être dans la même pièce à faire chacun leurs choses et se lancer quelques blagues. Et bon… si elle était complètement honnête, elle aimait bien qu’ils aient plus d’occasions de faire des parties de jambes en l’air. Cela leur avait permis d’apprendre à mieux connaître ce qu’ils aimaient et les faisaient le plus réagir. C’était assez agréable.

Mais ce n’était pas le temps de penser à ça, ils étaient en réunion. Son regard divergea tout de même vers son ami lorsqu’il prit la parole pour expliquer une problématique qui était survenu dans les toilettes des Anges. Son esprit divagua sur ce qu’il lui avait dit la veille. Il lui avait dit qu’il avait organiser quelque chose pour sa fête, qui était aujourd’hui. Elle avait été agréablement surprise, de un, qu’il se souvienne de la date de sa fête et de deux, qu’il lui organise quelque chose. Elle n’avait pas prévu quoi que ce soit, parce que même si elle comptait souligner ses 200 ans, elle ne voulait pas faire une grande fête. Elle savait aussi que Séraphin aimait beaucoup trop lui préparer des grandes fêtes, alors… elle n’allait pas le priver de cette joie. Elle espérait que le chef des Anges avait prévu le coup et en avait discuté avec son cousin.

Ah, merde, elle avait encore divagué. Elle aurait peut-être dû dormir d’avantage cette nuit… Elle se reconcentra sur le sujet de la discussion. Rapidement, ils arrivèrent à la section varia de la réunion et sans hésitation, Léanne se leva pour prendre la parole.

« Gustave, il a été porté à mon attention que l’Elfe Farah et la Vampire Inès son en couple depuis deux ans et n’ont pas encore eut des accommodations pour leur situation. » commença-t-elle avec professionnalisme pour apporter doucement le sujet.

« Je ne vois pas en quoi cette aberration me concerne. » répondit nonchalamment l’Elfe.

Léanne se crispa, serrant les poings et les dents, sentant sa colère bouillonnée.  Le chef face à elle se prépare à partir. Elle allait l’avertir que la discussion n’était pas terminée, mais il continua en disant :
« Qu’ils aillent au cinquième sous-sol. Après tout, ce n’est pas comme si l’endroit était dangereux pour une elfe, n’est-ce pas ? »

Fâchée, la chef des Fées frappa la table devant elle pour attirer l’attention de Gustave. C’était à elle qu’il parlait, pas à Anderson.

« Ils n’iront pas au cinquième sous-sol, parce qu’elles ont spécifiquement demandée à être transférée dans une des cabanes pour couple chez les Elfes. Inès en a parlé à M. Anderson et Farah est venue me voir. Elle souhaite pouvoir rester dans la forêt pour conserver son lien avec celle-ci. Je crois que tu es bien au courant de l’importance qu’à ce lien chez les Elfes. » fit-elle son regard lançant des éclairs au son collègue.

Ce n’était pas la première fois qu’elle haussait le ton avec lui, mais c’était la première fois qu’elle se fâchait devant lui et non pas à la fin de leur rencontre. Dans ces moments-là, elle allait s’entrainer pour se défouler. Habituellement, un sac de boxe était la pauvre victime de sa hargne. Mais pas cette fois…

« Je trouve d’ailleurs préoccupant qu’une Elfe préfère venir me parler parce qu'elle ne se sent pas assez à l’aise pour aller voir son propre chef, à cause de ses préjugés envers la personne qu’elle aime. » dit-elle, ne cachant pas, pour une fois, son exaspération pour le racisme à peine dissimulé de son homologue Elfique.

Elle remarqua les grands yeux surpris de Luiza, mais s’entêta à regarder fixement Gustave de son regard en colère. Elle voulait lui faire comprendre qu’elle avait acceptée trop longtemps ses commentaires et comportements envers les Vampires de la C.A.T.. Elle ne s’y reprendrait plus. Elle en avait enfin assez. Elle était prête à se le mettre à dos pour qu’il comprenne que c’était inacceptable, parce que, visiblement, la tolérance n’avait pas aidé à changer les choses.

Le bruit fort et soudain produit par Léanne qui frappa le plan de travail devant elle résonna douloureusement dans les oreilles sensibles de Gustave, qui eut un léger mouvement de recul en ramenant immédiatement son regard sur la Fée. Cette dernière se lança ensuite dans un argumentaire empreint d’une colère tout à fait injustifiée. La chef des Fées était connue pour son caractère fort, mais tout de même. Le sujet n’était pas à ce point digne d’intérêt.

« Je trouve d’ailleurs préoccupant qu’une Elfe préfère venir me parler parce qu'elle ne se sent pas assez à l’aise pour aller voir son propre chef, à cause de ses préjugés envers la personne qu’elle aime. », termina-t-elle insidieusement.

Ce n’était pas une critique. C’était une atteinte à ses valeurs et à qui il était, en tant qu’individu et en tant que chef. Purement une insulte gratuite.

Croyait-elle vraiment qu’il allait imposer un vampire à la communauté elfe de la CAT ? Comme un dictateur ? Était-ce ainsi qu’elle gérait ses Fées ? Ce n’était pas que de ses soi-disant préjugés dont il était question, mais des droits d’une majorité face aux pseudo-besoins de seulement deux individus. Collaborer avec des vampires était un mal nécessaire temporaire qui ne pouvait exister que dans le respect de certaines limites. Et si Farah avait besoin d’explications sur le sujet, c’était à un elfe qu’elle devait s’adresser, pas contourner la hiérarchie et aller voir n’importe qui susceptible de prendre son parti dans un enfantin acte de rébellion.

Honnêtement, Gustave aurait été capable de construire une répartie logique et peut-être d’en parler raisonnablement, s’il avait été en mesure de garder son calme. Ce qu’il ne su pas faire. L’attaque verbale de Léanne le mit hors de lui. D’autant qu’il appréciait assez la Fée, d’ordinaire.

L’elfe se leva de son siège et, posant les mains à plat sur la table, se pencha un peu vers l’avant en direction de sa collègue, usant de sa taille pour la dominer malgré le meuble entre eux. Du coin de l’oeil, il vit les trois autres chefs échanger des regards, mais il n’avait pas besoin de leur intervention.

« Peut-être qu’elle s’est dit que la meilleure personne pour l’aider était quelqu’un partageant son manque de jugement en termes de partenaire amoureux. Quelqu’un qui, depuis un moment, se laisse négativement influencer. », siffla-t-il.

Parce que si elle voulait amener le débat à un niveau personnel, il ne se gênerait pas pour faire de même.

Les paroles de Léanne avaient eu l’effet escompté. Elle le remarqua dans l’expression de Gustave qui refléta l’indignation de l’Elfe face aux accusations qu’elle avait porté contre lui. Oh? Elle avait touché une corde sensible? Tant mieux! Elle voulait qu’il comprenne qu’elle ne fermerait plus les yeux face à son racisme. Elle n’avait plus la force de le tolérer uniquement pour conserver une relation de travail cordiale avec le chef des Elfes. Elle avait été victime de racisme durant toute sa vie. Elle savait ce que ça faisait sur une personne, sur une communauté, d’être ostracisé et rejeter, de se faire mettre tout dans le même panier sans prendre le temps d’apprendre à connaitre la personne derrière les préjugés.

Gustave n’avait aucune raison de détester M. Anderson. Le chef des Vampires se pliait en quatre pour ne pas froisser les frêles sentiments de l’Elfe et celui-ci n’était même pas capable de lui daigner un remercîment. Il ne m’héritait pas toute cette attention.

Un doute émergea quand même dans sa conscience. Avait-elle été trop loin? Probablement, mais elle était trop dans son émotion pour s’y attarder et le réaliser pleinement. Elle était, pour l’instant fière de son coup, espérant qu’il tirait une leçon de tout ça.

Lilou, caché dans le chignon de sa Fée, avait été réveillé de sa sieste par l’élan de colère de Léanne. Il releva sa tête de son nid de cheveux et analysa la situation. Il ne prit pas beaucoup de temps à réaliser que Léanne avait enfin décidé de tenir tête à son arrogant collègue. D’un coup d’aile, il se remit sur ses pattes et observa la scène qui se déroulait devant lui.

Lorsque l’Elfe se leva pour se pencher au-dessus de Léanne, menaçant, la pie-grièche s’insurgea. Oh! Il osait intimider sa Fée! Il en avait du culot. L’oiseau gonfla ses plumes et émit un sifflement agressif en direction de Gustave, lui intimant de se reculer.

Mais Léanne n’avait pas besoin de son Totem pour se défendre, même si elle appréciait le geste de celui-ci. Elle ne se laissait pas facilement intimider. Elle en avait battu des plus gros et des plus fort que Gustave. Il pouvait bien se donner des airs, mais elle savait qu’il ne faisait pas le poids face à elle.

« Peut-être qu’elle s’est dit que la meilleure personne pour l’aider était quelqu’un partageant son manque de jugement en termes de partenaire amoureux. Quelqu’un qui, depuis un moment, se laisse négativement influencer. » débita-t-il, un certain dédain dans sa voix.

Léanne prit quelques secondes à assimiler ce qu’il venait de dire. Elle ne s’était pas du tout attendue à ce qu’il fasse un commentaire sur sa vie personnelle. C’est pourquoi elle ne comprit pas immédiatement l’allusion. Mais lorsque qu’elle saisit, le rouge de la gêne, mais surtout de la colère monta sur son visage.

Elle se releva brusquement sur ses pieds (ce qui ne la rendit pas beaucoup plus grande que lorsqu’elle était assise) et regarda son collègue Elfique directement dans les yeux. Si un regard pouvait tuer, celui de Léanne aurait incendier Gustave sur place. Lilou s’était envolé dans le mouvement de sa Fée et se mit à tourner dans la pièce en criant que Gustave avait été trop loin et qu’il m’héritait une baffe. L’Afro-Américaine l’ignora et, les dents serrées, elle se força à prendre une inspiration pour essayer de se calmer. Cela n’eut pas l’effet escompté.

D’une voix autoritaire, mais sinistrement calme, la chef des Fées s’adressa à son collègue :
« Je ne crois pas qu’avec qui je passe mes temps libres te regarde. Mais si tu considères que cela affecte mon travail et diminue mes capacités à remplir convenablement mes fonctions, nous pourrons en discuter en privé. Tu peux également demander aux autres chefs de faire une évaluation de mon travail ou que l’on considère ma révocation de mon poste actuel. Si ce n’est pas le cas, je ne vois pas la pertinence de cette remarque. Sur ce, je considère que cette discussion ne mènera à rien considérant ton obstination, alors, je me retire. »

La Fée ferma sont cahier dans un bruit sec et violent, puis attrapa sans effort son Totem au vol qui continuait toujours de piailler à l’injustice. Elle prit ses choses et tourna les talons pour prendre la direction de la sortie d’un pas décidé.

Alors qu’Ajartiel c’était bien amusé de la scène qu’elle avait causée lors de la réunion des Chefs, Léanne, elle, n’aimait pas comment elle avait perdu son sang-froid.

« Ce n’est pas drôle Ajartiel. » avait-t-elle répondu à la remarque en hongrois de l’Ange.

Sans avertir son compatriote, et d’un pas décidé, la Fée avait prit la direction de la salle d’entrainement. Elle avait bien besoin de se débarrasser de son surplus de colère. Une fois que ce fut fait, par contre, la culpabilité embarqua.

En dînant, son esprit ne faisait que retourner en boucle la scène de son altercation avec Gustave. Elle n’en revenait pas qu’elle avait réagi aussi fortement à la pique de son collègue. Il était vrai que le chef des Efles pouvait être insupportable avec son air hautain et froid, mais jusqu’à maintenant, elle avait réussi à rester calme. Peut-être que ses règles commenceraient plus rapidement qu’elle ne le pensait ce mois-ci…

Les blagues qu’Ajartiel essayait pour lui changer les idées ne la firent pas réagir, trop préoccupée qu’elle fût pour vraiment bien écouter ce qu’il disait. Il réussi à attirer son attention que lorsqu’il mentionna la soirée qui les attendait. Léanne releva la tête de son repas qu’elle avait plus mutilé avec sa fourchette que vraiment mangé, de la curiosité dans son regard.

Qu’avait-il préparé? À quoi devait-elle s’attendre? Ce n’était pas extrêmement romantique quand même? Non, Ajartiel n’était pas romantique… et ils n’étaient pas en couple, même si la ligne semblait de plus en plus floue. Léanne ne savait pas trop quoi en penser, alors elle utilisa une tactique apprise de son ami et ignora ses questionnements. À la place, elle questionna Ajartiel par rapport à sa surprise du soir, mais il resta évasif dans ses réponses, l’agaçant. Tout de même, cela eut l’heureux effet de mettre la Fée de meilleure humeur pour le reste de l’après-midi. C’était ses 200 ans quand même! Elle n’allait pas se laisser sa journée se ruinée pour son erreur du matin. Elle s’en ferrait le lendemain, aujourd’hui, elle avait 200 ans et ses inquiétudes pouvaient prendre leur trou.

Après son dîner, Léanne avait quelques dossiers à terminer à son bureau. Elle proposa à Ajartiel de venir lui tenir compagnie dans son bureau pendant qu’elle le faisait. Entre deux paragraphes, elle releva parfois le regard pour observer le chef des Anges en douce. Il lisait avec Lilou de posé sur son épaule, lui aussi en train de lire l’ouvrage. L’oiseau se plaignait souvent des choix littéraires du Hongrois (quand celui-ci lisait dans une langue que le Totem comprenait), mais invariablement, il se rapprochait du beau blond pour lire avec lui. Léanne avait bien remarqué que ces moments de lectures avaient quand amené une certaine paix entre les deux ‘’hommes’’ ailés qui partageaient la plus grande partie de son temps.

Mais la raison de son observation de l’Ange n’était pas pour analyser sa relation avec la pie-grièche. Non, la chef des Fées était très curieuse et avait très hâte de savoir ce qu’il avait organisé pour sa fête. Pas qu’elle n’ait de très grandes attentes (on parle quand même d’Ajartiel, il déteste planifier), mais juste le fait qu’il ait pensé à elle et prit le temps de prépare quelque chose, elle en était flattée. Ce sentiment faisait remuer quelque chose dans le fond de son ventre qu’elle n’osa pas analyser.

Elle le trouvait mignon, concentré sur son livre. C’était un des rares moments où elle le voyait avec un air sérieux sur son visage. Bon, elle ferait mieux de retourner à son travail plutôt que de rêvasser aux beaux yeux bleus de son ami.

Vers 16h, l’Afro-Américaine détermina qu’elle avait assez avancer ses dossiers et puis, sa curiosité la démangeait En plus, elle se serait sentie mal de ruiner les efforts d’Ajartiel avec ses tendances workaholique. Finalement, elle devait bien pouvoir se préparer, coiffer ces cheveux requérait beaucoup de temps! Elle ferma son ordinateur portable et se leva.

« Bon! Fini. » fit-elle en faisant une pile avec ses documents. « Comment je dois me préparer pour ta surprise? Bien habillée? Pyjama? Tenue de combat?... Sous-vêtements coquins? »

Elle avait chuchoté la dernière proposition avec un sourire taquin. Et bon, il lui devait au moins cette information! Elle ne pouvait pas y aller à l’aveugle. Quelle horreur si elle se retrouvait en petite tenue alors qu’Ajartiel lui aurait préparé une soirée avec des amis…

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